Emplois d'été : "L'as-tu ton inter?"

Le Québec Étudiant
Volume 01 - Numéro 01
6 septembre 1977

Cet été, les emplois ont été tirés à l'ordinateur par le service de placement étudiant. Si cette formule élimine le favoritisme, elle n'en révèle pas moins le ridicule d'une situation où des milliers de jeunes sont sans emploi. Une telle «Loterie» constitue un aveu d'impuissance du ministère du travail face au chômage record que nous atteignons. Encore plus contradictoire que cette contribution d'été qu'exige le service des Prêts-Bourses même si l'étudiant n'a pu travailler. Par exemple, un étudiant qui chôme 10 semaines se voit exigé un montant égal à 5 semaines de travail [exactement la moitié] au salaire minimum. Non seulement on exige un revenu inexistant, plus ridicule encore, on exige la moitié de ce que l'étudiant n'a pas. Ce n'est pas l'égalité des chances, mais bien l'égalité des risques qui se réalise sous nos yeux... S'étonnera-t-on, à présent, de l'insécurité dont témoignent plusieurs étudiants quand à la poursuite de leurs études et aux débouchés futurs? L'accessibilité à l'éducation demeurera un vain mot tant que dureront de telles pratiques, pour le moins hasardeuses et arbitraires.

Y a-t-il une solution à notre insécurité?
Le gouvernement, dans ses déclarations, tente par toutes sortes de moyens de faire croire qu'il n'y a pas d'issue, que peut-être, un jour, il y en aura. Ces prétextes ne sont pas nouveaux. Depuis bien des années on promet aux étudiants et au peuple en général des améliorations notables «dès que les finances publiques le permettront». L'histoire des luttes passées nous apprend qu'aucune de ces promesses n'a été une garantie. Dès qu'on rappelle aux politiciens leurs promesses passées, ils se dépêchent aussitôt de les remettre au futur.

Nos demandes sont-elles réalisables?
Elles le sont beaucoup plus qu'on ne le laisse croire . En effet, depuis 1960, on s'aperçoit que les grandes corporations qui possèdent le pays ont été de moins en moins taxées, tandis que les particuliers l'ont été de plus en plus. Alors que les corporations contribuaient pour 27% des revenus de la province en 1961, elles ne représentent plus que 10 .8% en 1970. D'autre part, les particuliers ont raison de se plaindre puisque leur part est passée de 16.5% des impôts à 41.7% dans le même laps de temps. Si on manque d'argent pour les pensions, pour les bourses et la création d'emploi, c'est que l'argent a pris une autre destination. Les grandes compagnies jouissent de privilèges incroyables : par exemple, la compagnie ITT dispose à elle seule d'un territoire plus grand que la Belgique et la Hollande. Ce territoire, situé sur la côte nord, a été concédé par la province sous le régime libéral, en plus d'un «cadeau» de 40 millions, ce qui représente un quart de l'investissement total.

On voit où va l'argent.
Le gouvernement du Québec est maintenant devant un choix précis . Il a le choix entre maintenir les privilèges exagérés aux «gros» de la finance, ou bien se ranger aux côtés de la population et puiser l'argent où il est. Et il y est! Les données publiées par U.S. survey of current business nous indiquent que les investissements américains au Canada ont occasionné un reflux de profits de 5 milliards 869 millions entre 1960 et 1967. en sept ans, les investisseurs américains sont «rentrés» dans leur argent et ont fait un milliard 744 millions en plus! Il y a déjà dix ans de cela.

Doit-on craindre de revendiquer?
Demander selon ses besoins n'est pas illogique . Lors d'une émission télévisée, Robert Bourassa menaçait . «Je ne suis pas pour réduire les pensions de vieillesse, disait-il, pour donner de meilleures bourses aux étudiants» . Cette méthode est bien connue. On l'appelle chantage . M. Bourassa savait pourtant fort bien que les millions qu'il cédait en subventions permettaient au même moment à quelques «grands» d'empocher à coups de milliards . Quand le gouvernement traite nos demandes d'utopie, il fait un choix très clair : il se range avec une poignée de grands patrons, soit par amour, soit par crainte. Le jour où nos dirigeants décideront de favoriser davantage la population et un peu moins les multinationales, ils auront certainement l'appui de tous ceux qui en ont assez des faveurs et de la mollesse.

François Couture,
Secrétaire-général de l'ANEQ

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