Le rôle de la presse étudiante : L'ANEQ au colloque du Yémen

Le Québec Étudiant
Volume 01 - Numéro 01
6 septembre 1977

Le colloque international organisé de concert avec FUIE (Union Internationale des Etudiants), l'OIJ (Organisation Internationale des Journalistes) et GNUYS (Union Générale Nationale des Etudiants du Yémen) qui s'est tenu à Aden du 10 au 15 mai dernier, sur le rôle de la presse étudiante dans le processus d'accession à l'indépendance nationale et économique, le développement et le progrès social d'un pays donné, a vu défiler vingt-trois associations étudiantes nationales (dont l'Aneq) qui ont troqué leurs expériences en la matière. Les échanges d'idées furent fructueux de part et d'autre et ce, malgré le soleil câlinant et la suave mer Rouge qui nous invitaient plutôt à cette volupté dont nous entretient Albert Camus dans son monde méditerranéen. Il m'est agréable de souligner l'accueil chaleureux que nous ont servi les étudiants et étudiantes du GNUYS et qui ont su faciliter notre travail.

Dans notre civilisation moderne, où les communications, pour ne pas dire la propagande, siègent sur un trône d'or et ont atteint un raffinement tel que souvent elles nous frappent sans que l'on s'en ressentent (publicité subliminale), il est de la plus grande importance que l'on en contrôle certains aspects dans le but de passer nos idées au travers de la brouissailleuse concentration de presse qui sévit actuellement. Il est à remarquer qu'il n'y a point de voies au chapitre pour les jeunes dans les grandes entreprises de presse à moins que ceux-ci ne se plient à certains idéaux stéréotypés ($$$) qui ne servent que leurs propres intérêts et non ceux de la société en général. C'est ici qu'entre en ligne de compte l'importance du rôle de la presse étudiante car elle se doit d'être indépendante de toute attache avec la presse commerciale qui est souvent contrôlée par l'état ou bien sert des desseins politiques impropres à la démocratie (voir à ce sujet, le rôle politique du journal El Mercurio de Santiago qui était contrôlé par la CIA ; Le Monde Diplomatique, mai 1977). La presse étudiante s'adresse à un public jeune aux idées encore vacillantes qui, s'il n'est soumis qu'au tir idéologique de la presse bourgeoise, finira par y adhérer car il n'aura point connu d'autres valeurs plus humaines et moins mercantiles, plus sociales et moins égoistes. Et si la presse étudiante ne remplit pas son rôle de promotion d'une éducation socio-politique, de prise de conscience, ces jeunes qui aujourd'hui sont perplexes, demain seront d'habiles financiers ou de pauvres manoeuvres qui n'auront qu'un but: celui de faire de l'argent tout en rêvassant à «l'american way of life».

Il est évident que la presse étudiante joue le rôle de cerbère, gage de la démocratie devant la concentration de presse excessive. C'est une arme dans la main des étudiants pour supporter leur lutte nationale contre l'ingérence étrangère dans l'économie et la culture. Ceci est d'autant plus vrai pour un pays comme le Québec qui a toujours été en proie à une assimilation tantôt violente (déportation), tantôt subtile (loi 63, loi 22). Un esprit nationaliste endémique au sein d'un peuple colonisé est un danger constant pour les investissements des pays voisins qui veulent «notre bien» (pour ne pas dire nos biens). La presse étudiante doit faire connaître et entretenir cet âpre combat car, s'il s'éteint, un peuple entier sombrera dans les souvenirs de ses vieillards. Les jeunes étudiants sont la semence qui perpétue la nature propre de chaque nation et si par malheur on modifie le germen, l'expression des caractères nationaux s'en trouvera bouleversée et un hybride stéréotypé apparaîtra.

La presse étudiante reflète le caractère social d'un certain groupe de la société qui est sous-représenté dans les grands médias, et qui pourtant aura à opérer les transformations sociales de demain. Par le fait même, elle influence le développement du mouvement étudiant en contribuant à la formation sociale, et politique de ses membres. Lorsqu'elle traite des problèmes sur lesquels achoppent les pensées de ses lecteurs, elle se doit de les vulgariser tout en conservant un langage spécifique qui saura satisfaire les experts. Elle doit aussi propager les politiques des associations nationales, mobiliser et organiser les étudiants face aux luttes en cours. Pour ce plusieurs formules s'offrent à elle. Dans notre microcosme qu'est un campus, le journal possède la plus grande incidence sur les étudiants car il est toujours ubiquiste et peut servir de référence à tous moments. Ce mode de communication est simple à créer et ne demande que peu d'apprentissage contrairement aux méthodes électroniques (radio, télévision) qui sont de beaucoup plus onéreuses et moins efficaces car le son se perd souvent dans le brouhaha des salles de détente. Le tract donne rapidement une information concise. Il n'est pas à négliger aussi le journal mural qui, s'il est bien monté, peut être très utile car on peut en contrôler la diffusion. Un exemple d'une application pratique est l'exposition d'une évaluation des professeurs effectuée par les étudiants de Polytechnique. Le syndicat avait refusé que les résultats soient publiés dans le journal qui est diffusé à l'extérieur et ainsi porte atteinte à la réputation des professeurs. Le théâtre, le cinéma, la chanson et toute autre forme d'art ou de communication peut parfois réaliser une symbiose entre la détente et l'éducation. Les principes généraux énoncés ci-haut sont idéalistes et résultent d'un assemblage d'expérience qui nous a été exposé par les différents participants au colloque. La Presse Etudiante de certains pays tant du bloc socialiste que du bloc de l'ouest ont atteint un certain degré de maturité qui leur permet d'avoir une cohésion et une efficacité beaucoup plus grande que la nôtre ce qui leur permet de distribuer leurs journaux dans des kiosques accessibles au grand public et ainsi d'avoir une fréquence de parution régulière. Notre presse étudiante s'organise lentement et si le projet de l'Aneq d'un journal étudiant à parution régulière se déroule comme prévu, nous aurons fait un grand pas vers l'avant.

Eric Devlin
(Aden-PEN)

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