À l'Université de Montréal : Boycottage des frais de scolarité

Le Québec Étudiant
Volume 01 - Numéro 02
27 septembre 1977

«le Québec Etudiant a demandé à un représentant de la Fédération des associations étudiantes du Campus de l'université de Montréal de faire le point sur la situation qui existe actuellement à l'U. de M.
M. Normand

Lapointe y explique les vues et les décisions du mouvement étudiant qui ont amené le boycottage des frais de scolarité.
La rédaction


Il est nécessaire de faire un retour en arrière. On doit se souvenir qu'en hiver 1973, la CREPUQ, (Conférence des Recteurs et des Principaux des Universités du Québec) ait mis au point une entente administrative connue sous le nom de «Protocole» pour faciliter la perception des frais de scolarité. Ce protocole établissait un régime plus astreignant pour l'année suivante. Face à cela les étudiants de l'UQAM et de l'Université de Montréal se mobilisèrent et contestèrent ce protocole.

A l'Université de Montréal, après une lutte acharnée les étudiants ont acquis le droit de payer leur frais de scolarité quant leurs moyens financiers le permettaient, suivaient la même politique qui avait cours auparavant. Aujourd'hui l'université revient sur sa position. Et tente d'obliger les étudiants à payer avant le 25 octobre sinon ils ne seront pas inscrits. M. Lacoste (recteur de l'Université de Montréal) a déjà dit «L'Université a fait un effort de rationalisation de manière à rendre la perception des frais de scolarité à la fois efficace et humaine.» (1)

Lorsque M . Lacoste parle d'une méthode de perception à la fois efficace et humaine sous tend-il la non inscription et l'endettement? Peut-être aussi que M. Lacoste est pris dans la grosse machine de la rentabilisation de l'éducation et que pour se faire il se doit de ne plus prôner des principes d'une haute qualité. Reste à savoir? Et, oui, l'administration de l'Université de Montréal resserre la vis et nous oblige à payer le 25 octobre sous-peine de non inscription. Bien sûr il se vante de garantir des prêts. «Enfin, l'université de Montréal rappelle que les étudiants peuvent grâce à des ententes qu'elle a négociées avec les institutions bancaires, obtenir des prêts sans présenter des garanties personnelles.» (2)

Voyons un peu ce que M. Larose, vice recteur à l'administration pense au sujet de l'endettement des étudiants. Ces quelques lignes sont tirées d'une entrevue radiophonique que M. Larose accorda cet été à CBF (Radio-Canada).

Animatrice : «Est-ce que justement dans le cadre de ces emprunts ça ressemble à celui offert par les Prêts et Bourses du gouvernement? On sait que le gouvernement lui s'engage à payer les intérêts jusqu'à ce que l'étudiant lui, retourne sur le marché du travail, et puisse payer ces emprunts. Est-ce à peu près la même chose?

M. Larose : «Non. En fait les emprunts que font les étudiants aux institutions bancaires, ils doivent payer eux-mêmes les intérêts.
Animatrice : «Mais M. Larose, est-ce que justement ce n'est pas embarquer l'étudiant dans un processus duquel il aura beaucoup de difficultés à se sortir : l'endettement? Surtout si l'on songe... on parle beaucoup de chômage actuellement.

M. Larose :«Ca c'est un problème sérieux mais l'université, ce n'est pas une banque, ce n'est pas une institution bancaire, ni le gouvernement...

Animatrice: «Ce serait quoi les autres façons sans que ça implique l'endettement des étudiants?

M. Larose : «L'endettement des étudiants... Je pense qu'il n'y a pas d'endettement autrement que par des bourses du gouvernement, ou des bourses privées..., les frais de scolarité c'est une partie infime des besoins financiers des étudiants.» (sic)

Il serait intéressant de voir, sur ce même sujet, une autre entrevue que M. Larose a donné à Forum (Journal de l'administration de l'Université de Montréal). «Un étudiant encourt pour sa subsistance de $5000 à $6000 par année et les $500.00 de frais de scolarité représente une somme minime.» (3)

M. Larose a raison quant au montant nécessaire à la subsistance d'un étudiant mais il semble oublier que selon le système Prêts-Bourses 1977, le montant maximum de frais hebdomadaire de subsistance est de $64.75. Cela correspond à $3367 par année et que $500 sur ce montant pour payer ses frais de scolarité correspond à 15%. Est-ce si infime? On parle souvent de démocratisation de l'enseignement. L'accessibilité pour tous ; oui peut-être mais à une condition, l'endettement. Face à cette attitude le Conseil Central de la FAECUM à sa 11e séance adopta la proposition suivante : «il est proposé par le Conseil Exécutif que le Conseil Central de la FAECUM dénonce le durcissement de l'administration de l'Université de Montréal face au paiement des frais de scolarité, durcissement s'attaquant aux droits acquis des étudiants» adopté à l'unanimité. Par la suite lors de la 13e séance le Conseil Central adopta la proposition suivante.
- Attendu le durcissement de la proposition de l'Université de Montréal quant au frais de scolarité.
- Attendu que la FAECUM soit opposée à ce durcissement qui constitue une négation de la situation socioéconomique des étudiants.
- Attendu que l'université, en adoptant les présentes mesures que nous dénonçons, a alimenté le «malaise» des universités en ne consultant pas le corps des intéressés.
- Attendu que les Prêts et Bourses ne sont pour plusieurs perçus rarement avant le mois de novembre et que payer les frais de scolarité engendrait que l'on accentuerait l'endettement de nombreux étudiants.
Il est proposé par l'association en droit que le Conseil Central de la FAECUM mandate le Conseil Exécutif pour revendiquer un retour à la souplesse dans les modalités de paiement et ce de la façon suivante : que les étudiants puissent payer leur frais de scolarité dans les délais que leur permettent leurs moyens financiers et que l'administration cesse toute mesure de désinscription.

Comment expliquer comme le dit M. Jofle. «De plus, M. A. Jofle dit s'inquiéter du nombre restreint de personnes qui prennent les décisions d'importance et qui n'informent la communauté universitaire qu'après coup.» (voir à la référence (1) ). Et oui encore aujourd'hui, l'administration prend des décisions sans discussion avec les individus concernés. Elle crée des conflits et si elle ne revient pas sur sa position, elle aura peut-être une crise sur les bras. Les étudiants avaient acquis après une dure lutte le droit de payer leur frais de scolarité lorsque leurs situations financières le permettaient, aujourd'hui, l'administration de l'Université de Montréal, revit un droit et pire encore nous propose deux alternatives, l'endettement ou la non inscription. Les étudiants n'ont pas d'autre alternative que celle de dire non à cette attitude. Ils ont décidé dse boycotter les frais de scolarité tant et aussi longtemps que la situation ne sera pas rétablie.

Normand Lapointe
coordonnateur à l'organisation
Conseil Exécutif, FAECUM
Fédération des associations étudiantes du Campus de l'Université de Montréal.

(1) Extrait du procès-verbal de la 96e réunion de rassemblée universitaire du 5-3-73.
(2) Communiqué de l'Université de Montréal sur les frais de scolarité. Le 9 septembre 1977 .
(3) Forum, le 18 avril 1977, page 3.

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